Le mouvement Ultra est né en Italie dans le milieu des années 70, même si certains groupes avaient vu le jour à la fin des années 60. Le mouvement Ultra s’est inspiré des groupes de supporters anglais (Teddy Boys) et, il faut le reconnaître, des hooligans.                                                                                                                  En effet, dans les années soixante et septante sévissent dans les stades anglais de nombreux groupes de hooligans. Ces derniers, prenant prétexte de soutenir une équipe de football (en général celle de leur domicile), sport déjà extrêmement populaire en Grande-Bretagne, organisent une véritable guerre de supporters dont le terrain de jeu favori est le stade de football. Ainsi, de nombreuses scènes de violence vont être relevées dans toute l’Angleterre mais aussi sur le continent à la faveur des coupes européennes. Les équipes dont les supporters reconnus comme les plus violents sont alors Chelsea, Liverpool, Manchester et Leeds. En Italie, autre terre mythique de football, les jeunes Italiens rêvent et s'inspirent des exactions commises par leurs modèles anglais. Profitant d’un climat instable dans la péninsule (grèves ouvrières et étudiantes, terrorisme,…), les jeunes supporters italiens vont alors s'organiser à leur tour afin de concurrencer et de dépasser les hooligans anglais. Les premiers groupes ultras vont alors apparaître à la fin des années 60 et au début des années 70 dans le sillage des grandes équipes du nord du pays. Étudiants, ouvriers, chômeurs... Toute une frange de la jeunesse italienne -- notamment des militants de groupuscules d'extrême gauche comme Autonomia Operaia («autonomie ouvrière») -- a trouvé dans le football une nouvelle cause à rallier et va se regrouper par affinités dans les «curva» (places situées derrière les buts comme les « Kops » anglais). Puis le phénomène va s’accélérer à la fin des années 70. Les groupes vont s'étoffer et se structurer. De nouveaux jeunes vont venir grossir les rangs de ce mouvement, en particulier dans les grandes villes du nord. La plupart sont issus des classes moyennes ou ouvrières mais nullement de milieux défavorisés. L'Italie va alors assister à la naissance de nombreux groupes ultras : les Rangers d’Empoli (se proclament d’ailleurs comme le premier groupe Ultra italien), les Fighters (combattants) de Turin, les Boys de Parme, la Fossa dei Leoni de Milan, les Sconvolts (fous) de Pise, les Warriors (guerriers) de Brescia, Wild Chaos ( chaos sauvage) de Bergame, le Commando Ultra Curva Sud de l’AS Roma,… De nombreux groupes prennent des noms à consonance anglaise. C'est toujours dans l'idée de concurrencer leurs modèles anglais, mais aussi une volonté d'internationalisation de leur groupe (pour que le nom soit compris et reconnu dans toute l’Europe). Mais d'autres groupes ultras vont prendre des noms italiens afin de marquer leur appartenance ou leur sympathie pour tel ou tel mouvement : les Brigate Rossonere (Brigades rouge) du Milan A.C., Nuclei Armati Bianconeri (en référence aux Noyaux armés prolétariens) de la Juventus,… pratiquement tous les noms de groupes ultras ont des consonances guerrières et provocantes pour marquer leur caractère violent, contestataire et rebelle.
Cet historique est celui de Philippe Broussard (Broussard Philippe, génération supporter, éditions Robert Laffont, Paris, 1990). Mais ne croyons pas que ces groupes se soient crées par l’unique motivation de la violence. S’il n’y avait une réelle passion pour le football, la ville et l’amitié, ces groupes auraient disparus aussi vite qu’ils étaient apparus. En bref, Football, Fraternité et Fanatisme.

Le groupe Ultra

Voyons tout d’abord en quoi se caractérise un groupe Ultra
Il y a trois choses essentielles qui le définissent :
- Les chants : donnés sous l’impulsion du « capo », les chants doivent être constants durant tout le match et cela, quelque soit le score. La puissance, la variété et l’omniprésence des chants sont des atouts pour la réputation du groupe. Attention, il est parfois possible que le groupe boycott les chants pour une raison ou l’autre (répression, mauvais résultats en série, …)
- Les déplacements : l’ultra se doit de suivre son équipe quand celle-ci joue à l’extérieur. Le groupe doit alors poser sa bâche pour montrer sa présence aux ultras/supporters adverses.
- Les tifos : caractéristique essentielle par rapport au supporterisme de type anglais. Les spectacles de soutien (torches, fumigènes, feuilles de papier, voiles,….) montrent l’attachement des ultras à leur club mais aussi la puissance du groupe.

Ensuite, il faut essayer de comprendre comment fonctionne un groupe Ultra.

L’organisation :

Le groupe, surtout s’il compte quelques dizaines de membres, se doit d’être organisé. Un local est une des bases: c’est un lieu de rencontre où se retrouvent généralement les membres les plus actifs. Là, les décisions concernant le prochain tifo, les futurs gadgets, les sections, etc. pourront être prises en toute collégialité. Les tifos peuvent être d’ailleurs réalisés au local.
Chaque groupe possède ses leaders. Les fondateurs le sont souvent, mais les années passant, le bureau directeur se renouvelle (possibilité d’élection). Ce sont ces personnes qui sont habilitées à parler au nom du groupe lors des réunions avec le club ou lors d’interview avec les médias.
Ensuite, les activités sont réparties en plusieurs domaines : gadgets, fanzine, déplacements, tifos, tambours, photos-vidéo, Internet, adhésions,… Des membres sont affectés à chacune de ces activités.
Le ou les capos assurent l’ambiance dans la tribune : ils lancent les chants ou les chorégraphies et les membres doivent les reprendre. Les capos font donc partie des leaders, mais ils ne sont pas obligatoirement les plus hauts dans la hiérarchie. Leur place, très médiatique et valorisante, est parfois l’objet de luttes intestines.

Les sections permettent aux ultras d’autres régions d’intégrer le groupe, de se rassembler et de faciliter les déplacements. Ces sections sont plus ou moins indépendantes et vivaces (il suffit parfois d’une ou deux mauvaises saisons pour les voir disparaître).
Pour terminer, le groupe peut-être créé en association (style ASBL). Cela offre plus de transparence et de légitimité envers les clubs, mais cela peut avoir un double effet : possibilité de poursuites envers le groupe en cas d’incidents.

Le financement :

Nombre de groupes Ultra le signalent : les clubs ne doivent en aucun cas les subventionner sous peine de perdre leur indépendance et leur légitimité lorsqu’ils devront critiquer. Les rapports entre les deux parties sont suffisamment conflictuels pour ne pas être en plus envenimés par l’argent.
Donc, les groupes Ultra doivent s’autogérer financièrement. Afin de réaliser des tifos toujours plus beaux, les groupes doivent vendre des gadgets : écharpes, t-shirts, casquettes, drapeaux,… Les bénéfices retirés serviront à payer le matériel pour les drapeaux et étendards, à acheter les innombrables feuilles de couleurs, à se doter de nouvelles bâches,…
Les ventes se font généralement dans les tribunes concernées. Si généralement ces gadgets sont vendus à n’importe qui, certains articles restent réservés aux membres actifs du groupe.
Notons une tendance de certains groupes à vouloir faire beaucoup d’argent (vente sur Internet, envoi de catalogue,…) ce qui est contraire aux bases du mouvement Ultra qui exalte les vertus de la solidarité et de la débrouille.

 L’amitié :

Valeur chère aux yeux des ultras. Un groupe, c’est avant tout une bande de potes. Si la passion pour leur club de football les a rassemblés, c’est une famille qu’ils ont formé. Le local, les déplacements, la confection de tifos, les moments passés ensemble dans les tribunes, forgent des liens très forts.

Le look :

Même si ce n’est pas un point essentiel, il faut pourtant noter les efforts que font les ultras pour faire disparaître le look « mastre » (perruque sur la tête, peinture sur le visage, trompette, écharpes de partout,..). Le look est plutôt sobre : écharpe du groupe, sweat à capuche, jeans, chaussures de sport, casquette. Rien à voir avec le cliché du type tondu avec bombers et rangers aux pieds !

Les points sensibles

- La violence :

Point essentiel et très discuté.
La violence est ce qu’on reproche le plus au mouvement Ultra. Dès le début, des échauffourées ont eu lieu : en Italie, les rivalités sportives et régionales ont toujours poussé les ultras à vouloir en découdre. Les incidents succédaient aux incidents sans que les autorités sportives ou politiques ne s’en préoccupent. La mort d’un tifosi romain en 1979, Vincenzo Paparelli, changea la donne. Soudain, les politiciens et les médias s’inquiétèrent de ces groupes de jeunes aux noms inquiétants. Certains groupes furent interdis de bâcher, d’apporter des drapeaux,… Pourtant la violence ne diminua pas. Seules les mesures adoptées pour le Mondiale de 1990 apportèrent des résultats. Et même au-delà des espérances : les déplacements de supporters furent bien canalisés, les incidents se raréfièrent et les CRS donnaient de la matraque. Alors les ultras retournèrent à des choses plus pacifiques, comme les tifos, sans pour autant cesser de rêver d’en découdre avec les ultras adverses.
Les grands groupes Ultra perdirent de leur aura et de leur puissance et certains de leurs membres, les plus durs, décidèrent alors de se détacher et de se regrouper en de petites bandes incontrôlables. Ainsi, en voulant lutter contre le mouvement Ultra, les autorités contribuèrent à créer une nouvelle forme de violence. Et ce qui devait arriver arriva, le 29 Janvier 1995, à Gênes, Vincenzo Spagnolo fut poignardé. Le lynchage médiatique reprit de plus belle et on envisagea même de dissoudre les associations Ultras. Mais les autorités comprirent vite que le remède serait pire que le mal. La situation deviendrait alors complètement incontrôlable. Alors finalement, la voie de la prévention fut jugée la meilleure. La création du « progetto ultra » est une des réponses : ce centre de documentation et d’action tente de fédérer tous les groupes ultra autour de l’idée de l’échange et du combat contre la violence ( http://www.progettoultra.it ).
Si les incidents n’ont pas disparus du Calcio, nous pouvons remarquer avec le tableau ci-dessous, qu’ils sont en nette baisse.

Mais la question essentielle reste : pourquoi une telle violence ?

Et bien tout d’abord, il faut se mettre à l’esprit qu’un groupe Ultra acquiert un statut de part sa réputation. Alors, pour acquérir cette réputation qui fera respecter ce groupe par les autres ultras, il y a deux choses qui comptent : assurer le spectacle dans les tribunes ( tifos somptueux et chants incessants ) et asseoir la suprématie en dehors du stade. De France, nous connaissons de réputation les ultras italiens : les évènements survenus avec les tifosis de la Lazio, de la Roma ou de la Juve nous ont fait apprendre l’existence des Irriducibili, du Commando Ultra Curva Sud, des Black and White Fighters,…. Il existe un championnat des tribunes, parallèle à celui du terrain. Les vainqueurs sont désignés tacitement par les autres groupes. En France, il y a deux grands axes Ultra : Paris – Marseille et Bordeaux – Saint Etienne. Si ce quatuor veut rester en tête, il faut qu’il le prouve, de même pour ceux qui veulent les rejoindre. Les derbys ou les confrontations nord / sud sont souvent houleux car la suprématie d’une ville ou d’une région sur une autre est en jeu.
Mais attention, l’ultra n’est pas un hooligan. Il y a des règles lors des accrochages : combats à mains nues et à nombre équivalent. Les décès survenus en Italie ont été condamnés par tous les groupes ultra. L’humiliation est le but recherché, pas la mort.

- La politique :

Comme nous avons vu précédemment, le mouvement Ultra est né en pleine période d’agitation politique. Donc rien d’étonnant à ce que certaines tribunes se soient revendiquées de telle ou telle mouvance. (ANTIFASCISTE en ce qui concerne les UI96)

L’avenir

Pour tout ce qui touche au mouvement Ultra, les yeux se tournent toujours vers l’Italie. Alors quand on parle d’avenir, il faut prendre le pouls là-bas. Bien sûr, l’ambiance des années 70-80 a disparu, et les mesures répressives des années 90 y sont pour beaucoup. Mais au gré des résultats et du renouveau ou du déclin de certaines curva, le mouvement ultra italien se maintient. Si des équipes comme le Napoli, la Genoa, la Sampdoria,…, reviennent en première division, les rangs de leurs groupes Ultra vont regrossir car les Italiens ont réellement ce mouvement dans la peau. Donc, la disparition du mouvement Ultra en Italie n’est pas pour demain, vu que 200 000 transalpins s’en revendiquent encore aujourd’hui.
En France, c’est un autre problème. Déjà, il y a peu de villes où le mouvement Ultra est important (Marseille, Paris, Saint-Etienne, Bordeaux) et l’avenir est plus qu’incertain. Comment vont réagir les petits groupes des autres villes face aux mesures de plus en plus répressives (interdiction de stade, amendes voire prison ferme) ? Lâcheront-ils le mouvement, dégoûtés par tant d’intolérance ?
Il y a aussi un autre facteur : l’ultra vieillit ! Et oui, les années passants, une femme et des enfants viennent le rejoindre et c’est un billet direct pour les latérales des stades. La France n’est pas l’Italie et il est rare de voir des hommes de trente, quarante ans encore dans le mouvement. De l’autre côté des Alpes, être ultra, c’est l’être à vie. A Milan, à Gênes, à Naples, à Bergame,…., les capos et les membres des noyaux sont âgés et ils encadrent les jeunes pousses des curva. En France, la mode des années 90 est passée et certains ultras ont quitté le mouvement au bout de quelques années. Alors, à l’heure où certains groupes vont fêter leur vingt ans d’existence (BSN, Commando Ultra, Boulogne Boys), qui peut dire quel sera l’avenir du mouvement Ultra en France ?
Pourtant, à l’heure où le football est manipulé par des dirigeants plus préoccupés par l’argent et l’introduction en bourse que par leurs supporters, le mouvement Ultra a un rôle à jouer. Ainsi, nous avons vu, en France, des banderoles et des grèves de chants (Saint Etienne, Lyon, Paris,…) pour protester contre certaines mesures et pour préserver certaines valeurs chères à leurs yeux. Ce furent des actions isolées, mais au début du championnat 2002-2003 eut lieu une première : une action commune des ultras français contre la répression abusive dont ils sont l’objet. En Italie, cela existe aussi et la légalisation des fumigènes y est en bonne voie grâce à leurs actions communes (Cfr. TRIBUNES LIBRES pour la Belgique).
Les ultras défendent des valeurs traditionnelles comme la fierté régionale, l’amour du maillot, l’abnégation,…, et leur vision du football est loin des aspirations mercantilistes actuelles.
Alors, les ultras, ignominie du football moderne ou garants des valeurs passées ?

Conclusion

Voici donc un très rapide tour d’horizon du mouvement Ultra. Il est très bref et un mémoire ne suffirait pas à décrire toutes les facettes de ce phénomène qui a vu le jour il y a déjà une quarantaine d’années.
Ce dossier n’est pas fait pour réconcilier les anti-ultras avec les pro-ultras. Il a juste pour but de donner une vision débarrassée des préjugés et des partis pris. Bien sûr, nous ne pouvons occulter les aspects violents de ce mouvement, mais nous ne pouvons pas non plus cracher sur l’animation des tribunes. Tout cela est lié, pour le meilleur et parfois pour le pire. Ce mouvement ne fera donc jamais l’unanimité autour de lui mais il est quand même affligeant de voir la « chasse aux sorcières » dont il fait l’objet actuellement de la part des autorités footballistiques françaises. Est-ce devenu la mode de taper sur tout ce qui fait peur et que l’on ne cherche pas à comprendre ? Espérons que non, car le vide créé par sa disparition engendrait un appel d’air pour des groupuscules et des idées bien moins pacifistes.

Principaux termes désignant le monde ultra ou le monde des supporters:

Tifo: Un tifo désigne communément un spectacle organisé au moment de l'entrée des joueurs sur le terrain au début du match. Un tifo peut être réalisé à base de feuilles cartonnées de couleur, de drapeaux, de fumigènes, de banderoles etc... L'imagination est sans limite et l'originalité recherchée.

Curva: virages situés derrière les buts, appelés kop en Angleterre ( le premier ayant été celui de Liverpool )

Capo: (traduction littérale depuis l'italien : chef). Ultra chargé de mettre et d'entretenir l'ambiance dans la tribune. Il est juché en hauteur et face à la tribune (dos tourné au terrain). Il exhorte les autres à chanter à l'aide d'un mégaphone généralement. C'est un leader du groupe car c'est lui qui représente le groupe pendant les matches (pas forcement le cas chez nous, puisqu'il arrive qu'on se retrouve sans capo valide ou autre connerie...).

Chlorate: Mélange pyrotechnique (recette tenue secrète par les ultras alchimistes) servant à produire beaucoup de fumée ou des flammes (cela dépend du mélange). Utilisée souvent en tifo à l'entrée des joueurs. Mélange dangereux et instable à réserver aux ultras avertis (peu utilisé chez nous, deconseillé aux amateurs).

Fumigène:  (à ne pas confondre avec torche) Ustensile pyrotechnique utilisé en tifo à l'entrée des joueurs. Différentes tailles (donc de durée) et différents coloris existent. Evidemment ces engins sont interdits dans les stades français (d'apres la loi hein...).

Bâche: (équivalent à banderole). En tissu ou plastifiée, elle représente le groupe partout où il se trouve (domicile et extérieur, un déplacement ultra sans bache est un déplacement raté). Le nom du groupe, et souvent le logo, apparaissent dessus. A domicile, le groupe appose sa bâche principale devant ou dans sa tribune et à l'extérieur en amène souvent une plus petite. Activité très prisée chez les ultras, le vol de bâche: la bâche représentant le groupe (au même titre que l'écharpe pour un individu), se la faire voler désohonnore le groupe. C'est le symbole du groupe.

Torche: Une torche est utilisée pour colorer la tribune, pour mettre le feu (!). A ne pas laisser entre toutes les mains, les torches sont généralement utilisées lors des buts, ou pour un tifo, ou simplement pour réchauffer l'ambiance.

Ultras: Modèle de supporters de foot s'inspirant des supporters italiens. Les Ultras se rassemblent en groupe structuré (jusqu'à plusieurs milliers de membres... ou 120 comme chez nous :q ) et donnent priorité à l'ambiance vocale et aux tifos. Ils vouent une passion extrême à leur équipe (ils la suivent sur tous les terrains) et à leur groupe pouvant les amener dans certains cas jusqu'à la violence envers d'autres groupes ennemis ou envers la police.

DIMA UST
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